Options méthodologiques générales
et communes aux deux bases

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bref historique de la recherche

choix des sociétés

horizon historique de référence

sources et méthode critique

carte des peuples référencés dans ces deux bases

 


bref historique de la recherche

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            En 1967, Murdock publiait son Ethnographic Atlas dans lequel étaient codées 862 sociétés relativement à une cinquantaine de variables.

            Ces codes ont été la base de nombreux travaux comparatifs (anglo-saxons pour la plupart), menés à l'échelle mondiale ou à un niveau plus restreint. Ils ont été le fait d'anthropologues, de psychologues, de sociologues.

            Depuis 1967, ces codes n'ont pas été révisés, bien que de nouveaux codes aient été ajoutés. Ils présentent un certain nombre de défauts :

1.         Le principal est que la typologie adoptée est de qualité très inégale selon les variables codées ; très souvent elle n'est pas assez fine. Une bonne codification ne peut que s’appuyer sur des concepts précisément définis, et suppose des critères rigoureux. Les deux manquent dans la codification de Murdock qui se borne en général à reprendre les notions anthropologiques courantes.

2.         Le second défaut, et tout aussi important que le premier, est que la codification murdockienne ne se fonde pas sur une lecture critique des documents.

3.         Il y a des erreurs de fait dans la codification, ce qui est bien naturel compte tenu de l'ampleur colossale du projet.

4.         Les codes sont d'un maniement malaisé. Ils ne sont jamais présentés de façon synthétique.

5.         L'Europe y est notoirement sous-représentée, tout comme les civilisations classiques (islamique, hindoue, chinoise, etc.), au bénéfice des sociétés primitives qui étaient hier encore le champ d'étude privilégié de l'anthropologie sociale.

6.         Enfin, cette codification déjà ancienne ne tient pas compte des travaux récents.

 

D'une certaine façon notre projet se présentait au départ comme la continuation du projet que Murdock avait inauguré avec son Ethnographic Atlas. D'une part, il s'inscrivait dans le même esprit d'une anthropologie comparative large. D'autre part, il reprenait des variables déjà traitées par Murdock : c'était le cas des prestations matrimoniales (c’est-à-dire la variable "mode of marriage") ou de l’esclavage (variable"slavery"). Toutefois, il s’est vite avéré que, compte tenu de nos options méthodologiques, il s’agissait de beaucoup plus que d’une révision. C’est pourquoi, pour chaque société retenue, nous avons entrepris de relire toutes les sources, avec des concepts différents et, nécessairement, une codification différente.

            Pour confectionner la base sur les prestations matrimoniales, un groupe de travail a été mis en place à Paris à partir de 1996, constitué de : Alain Testart, Valérie Lécrivain, Nicolas Govoroff, Florence Burgat, Georges Cortez, Dimitri Karadimas. Le projet a bénéficié du soutien du Laboratoire d'Ethnologie et de Sociologie Comparative (Université de Paris X-Nanterre), de la Chaire de Sociologie Comparative de l'Afrique Noire du Collège de France (Françoise Héritier), de la Maison des Sciences de l'Homme et du Laboratoire d'Anthropologie Sociale : que toutes ces institutions soient remerciées. Les cartes ont été réalisées en collaboration avec le Centre d'Information Géographique de la Maison des Sciences de l’Homme.

            La base sur l’esclavage a représenté un travail beaucoup moins lourd, en raison du plus faible nombre de variables mis en jeu, et aussi grâce à quelques excellents travaux parus récemment dans le domaine africaniste ou américaniste. Cette base a été réalisée par Alain Testart, Valérie Lécrivain, Nicolas Govoroff, Dimitri Karadimas. Le projet a bénéficié du soutien du Laboratoire d'Anthropologie Sociale.


choix des sociétés

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            .

Notre ensemble premier consistait en l’ensemble de toutes les sociétés prises en compte dans les Human Relation Area Files (consultable dans son intégralité en France seulement à la bibliothèque du Laboratoire d’anthropologie sociale, 52 rue du cardinal Lemoine, 75005, en accès libre) qui constitue un outil documentaire commode. On sait en effet que, pour chaque société retenue par ces Files, environ cinq cents, les ouvrages et articles de références ont été analysés et les pages relatives à chaque variable sont reproduites sur fiches, répertoriées selon un double classement par société et par variable. L'utilisation de ce fonds déjà ancien a été complétée par une recherche plus approfondie dans la bibliographie récente et par une collaboration avec de nombreux spécialistes des différentes aires culturelles.

A ce premier ensemble, nous avons ajouté un certain nombre de sociétés selon les règles suivantes ;

 

1° nous avons retenu des sociétés qui, pour n'être pas forcément très connues ni même pour passer pour représentatives d'une aire culturelle, ont été anciennement ou récemment l'objet d'études approfondies sur notre sujet :

2° des sociétés voisines et très proches par la culture que toute autre étude confondrait ont également été retenues si elles se différencient par la variable étudiée (ce critère est surtout important pour les prestations matrimoniales qui peuvent, dans certaines régions, différer d’un village à l’autre) ;

3° dans le même esprit, nous avons accordé une importance toute particulière aux régions fortement différenciées du point de vue de la variable étudiée et où cette problématique ne faisait pas partie du champ traditionnel des préoccupations de la discipline, et nous avons multiplié le nombre de sociétés ;

4° d'une façon générale, nous nous sommes efforcés que chaque aire culturelle (dans certaines régions, chaque grande famille linguistique) soit représentée, toujours dans l'esprit de mettre en évidence la diversité.

 

            La base de données relative aux prestations matrimoniales contient 406 sociétés.

            Celle relative à l’esclavage 334 sociétés.


horizon historique de référence

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            Notre volonté était, autant que faire se peut, de rendre compte de la diversité culturelle à travers le monde. Elle est à son maximum avant l'expansion coloniale européenne qui conduisit dans les pires des cas à l'anéantissement de sociétés ou de cultures entières, au mieux à une acculturation ou à un syncrétisme mélangeant avec plus ou moins d'harmonie la tradition et la modernité. Mais pour les sociétés sans écriture, on ne sait que peu de choses avant la colonisation. La colonisation est pour la plupart de ces sociétés à la fois la condition première de leur connaissance et à terme la cause de leur destruction. Entre ce terme et cette condition, se situent la plupart des ethnographies classiques de référence. Ce qui donne un horizon historique, éminemment différent d'une région à l'autre, selon que l'on considère telle région du Canada, de la Mélanésie, de l'Afrique, mais qui se situe grosso modo au XIXe siècle en ce qui concerne les prestations matrimoniales, et plutôt au XVIIIe pour l’esclavage.

            Cela ne conduit pas à écarter les sources ethnographiques du XXe siècle. Il ne faut pas confondre date du terrain et période de référence. Les grands américanistes qui travaillèrent après 1900 tentaient de reconstituer les sociétés indiennes d'avant l'époque des réserves ; les africanistes britanniques, même s'ils travaillaient dans les années trente, visaient à reconstruire les institutions d'avant la colonisation. A chaque fois que des observations sont disponibles relativement à deux périodes, nous avons favorisé la plus ancienne. Lorsque cette période était notoirement antérieure au XIXe siècle, nous l'avons indiqué ― par exemple XVIIIe siècle pour les Lapons codés d'après Scheffler en 1704. Pour des sociétés qui n'ont été observées que tardivement, et si nous n'avions pas d'indications évidentes d'une profonde transformation, nous avons admis que l'observation se référait à une situation traditionnelle. Cette tradition peut bien intégrer des éléments d'origine européenne : c'est par exemple le cas du cheval pour les Indiens des Plaines, mais il ne fait pas de doute que la culture des Plaines est une culture authentiquement indienne.

            Nous n'avons finalement écarté que les phénomènes strictement contemporains du XXe siècle (comme la généralisation de la dot à toutes les classes en Inde) ainsi que les créations purement coloniales (sociétés coloniales, Amériques noires).


sources et méthode critique

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            Bien que l'anthropologie sociale ou ethnologie soit réputée pour sa méthode d'observation directe (dite quelquefois "observation participante"), il devient urgent de procéder à l'analyse raisonnée des documents publiés par le passé, qui sont en quantité considérable et dans la plupart des cas de très bonne qualité.

            Il convient, à propos de ces documents, d'appliquer une méthode similaire à celle des historiens vis-à-vis de leurs sources : il faut faire une critique des sources. Il faut les trier, les comparer, relever les contradictions entre elles, discerner les auteurs qui sont fiables de ceux qui le paraissent moins, toujours rapporter ce qui est dit à la personne qui le dit et pour quelles raisons elle le dit. C'est la méthode que nous avons employée.

            A cet égard, il est toujours indispensable de distinguer chez un auteur (et un observateur) ce qui a été effectivement observé, la façon dont ces observations sont consignées, et la façon dont ces observations sont interprétées, laquelle dépend en général de théories ambiantes de l’époque. Ainsi, par exemple, il est très courant de rencontrer, à propos du même peuple, l’affirmation d’un auteur du XIXe siècle selon laquelle ce peuple « achète ses femmes » et l’affirmation contraire d’un auteur de l’entre-deux guerres selon laquelle il ne s’agit en aucune façon « d’achat », mais seulement de cadeaux entre les époux et leurs familles. On ne doit pas s’étonner de ces contradictions : le premier auteur n’exprime que l’opinion dominante de son époque (que ces "sauvages" ne sont que des sauvages) tandis que le second n’exprime que celle qui domine à la sienne (l’ethnologie d’après la première guerre, typiquement l’ethnologie fonctionnaliste, étant préoccupée de réhabiliter les "bons sauvages"). Aussi n’avons-nous tenu aucun compte de ces opinions, pour ne travailler que sur les faits effectivement consignés par chacun des observateurs. Et c’est seulement sur quelques faits concrets rapportés dans les ethnographies étudiées que nous avons fondé nos décisions de codage. L’exemple qui a été donné à propos des prestations matrimoniales vaut a fortiori pour l’esclavage, où dans la majorité des cas, l’observateur ― et nous ne parlons que de bons observateurs ― rapporte des faits décisifs qui permettent de conclure à l’existence de l’esclavage, mais conclut dubitativement quant à son absence, tant il a répugné à la conscience occidentale de penser que ces « bons sauvages » pratiquaient un esclavage, et même un esclavage très dur.

            Cette critique suppose aussi que nous ayons des critères très stricts permettant de définir nos différents concepts ; c’est seulement à cette condition que l’on peut aller au-delà des opinions exprimées.

Dernière remarque : il ne faut pas s’étonner que nous ayons codé « esclavage » ou « prix de la fiancée » à propos d’une société où l’autorité académique qui fait référence a pu noter le contraire. C’est qu’il fournissait des éléments précis permettant de conclure le contraire.


carte des peuples référencés dans ces deux bases

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